Une goutte d'eau à la mer
Je me souviens de cet air vif et d'un ciel si bleu. J'étais
encore minéral, cristal de glace et je jouais en prisme de lumière lors de cet
été. Puis la chaleur m'avait fait fondre. J'étais si jeune petite, ronde et transparente,
gouttelette d'eau si douce.
Je me souviens du craquement des séracs, de ce départ dans les failles de la
fonte, de ces parois d'une couleur bleu pâle et lumineuse.
Je suis sortie du labyrinthe pour courir l'alpage, j'étais un torrent ivre, j'étais
l'eau vive. D'un mouvement en cascade, je chutais sur des pierres, je n'étais
que glissements, enfin, j'eus droit au repos et dans le silence d'un lac, je me
suis endormie.
J'étais devenue miroir du ciel et de ses nuages, il a suffi d'une brise pour me
faire prendre une ride. Longtemps, je me suis baignée de fraîcheur en eaux
sombres qui voulaient me garder, c'est par une chute, cataracte de pluie fine
que je me suis évadée.
Encadrée de collines, je restais au fond de la vallée. J'en ai vu du paysage,
loin derrière moi brillaient les glaciers. Je me glissais le long des pâtures,
à travers les roseaux, je regardais passer les troupeaux, le temps n'existait
plus, j’entraînais des poissons d'argent dans mes ondes, j'étais devenue
rivière.
Je savais que le voyage ne faisait que recommencer. Quand j'aurai rejoint le
fleuve, après l'estuaire, l'appel de la mer allait se faire sentir, dès les
premiers embruns plus rien ne m'arrêterait. Je ferai le tour de la Terre puis,
enfin lasse de parcourir les océans, de jouer dans l'écume des vagues, je
m'assoupirai. Alors je deviendrai étale et sans peur laisserai sous l'éternel
azur le soleil m'évaporer.
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